Gwendoline Hamon : « Cassandre, c’est ma meilleure copine, nous nous sommes rencontrées il y a 10 ans. »

Rencontre avec l’actrice Gwendoline Hamon qui incarne le personnage de Florence Cassandre dans Cassandre.

Pour ceux qui ne vous connaissent pas encore, qui est Gwendoline Hamon ?

Ah, c’est une bonne question. Qui est Gwendoline Hamon ? Une femme qui a grandi au Sénégal, cela veut dire beaucoup pour moi d’avoir grandi en Afrique, c’est une femme de tribu, qui aime beaucoup les autres, qui aime le vivre ensemble et la famille.

Elle aime les amis, la famille de cœur et aime être entourée. Elle aime aussi partager, échanger, débattre et est toujours à l’écoute. Mais c’est aussi une comédienne qui a grandi dans une famille de théâtre du côté de sa mère comme ses grands-parents étaient auteurs dramatiques pour le grand-père et metteurs en scène pour la grand-mère. Elle a donc été influencée par les grands textes, enfin en tout cas une certaine envie de lire et de lire les grands auteurs, et puis paradoxalement, qui avait une nature de clown. C’est donc cela qui a fait de moi une comédienne.

Pour l’anecdote, très jeune, il paraît que j’étais vraiment un clown, que j’aimais me déguiser, faire des spectacles et que j’imitais Gainsbourg en mettant une clope au bec. Il y avait donc une part, je pense, d’inné, et une part d’influence familiale, et puis aussi je n’étais pas une très bonne élève, car on ne s’occupait pas du tout de cela, l’école n’avait pas d’importance. Si l’histoire, le français, l’anglais, pour le reste, ils s’en foutaient complètement. Moi, j’entends encore ma grand-mère me dire les maths, les maths, ils s’en foutent des maths.

Donc voilà, on est un peu conditionné aussi par les gens qui vous construisent, et donc très vite j’ai dit, ben moi je veux faire du théâtre. Mais je pense qu’à l’époque je me suis dit, je veux m’essayer à cela, c’est mon milieu, je veux que ma grand-mère et que la famille se disent que je vaux quelque chose et que je suis capable car c’était très dur de rentrer dans le théâtre. Je ne voulais pas être Romy Schneider, je voulais être Suzanne Flon. Si vous voulez une petite jeune fille de 18 ans qui se dit, je veux jouer tous les grands textes du répertoire, ce n’est pas la même chose qu’une petite jeune fille aujourd’hui qui dit, ah je voudrais être actrice, je voudrais faire du cinéma. Ce n’était pas la même portée, ça voulait dire difficulté, concentration, abnégation presque car il faut se mettre au service d’un auteur, décortiquer des textes très compliqués. C’était donc un challenge pour moi et en fait cela m’a énormément cadrée de rentrer en cours de théâtre et puis surtout, j’ai adoré cela et c’est donc devenu évident.

Pouvez-vous nous parler de votre personnage dans Rien ne t’efface ?

Ah, alors c’est une femme qui est médecin généraliste, qui est basque et habite au Pays basque. Elle a un enfant de 10 ans qu’elle a adopté seule. C’est une femme qui vit seule, on ne voit pas son ex-mari, enfin on ne voit pas son ex-compagnon, et qui le jour des 10 ans de son petit garçon, ils sont sur la plage tous les deux, elle reçoit un coup de fil d’un patient, elle a une urgence. Elle lui dit allez on y va, il veut rester encore jouer, elle lui dit bon écoute, tu rentres par le chemin de la plage, pas par la route, tu es là dans 10 minutes. En fait il ne revient pas. Il ne revient pas, donc la panique la gagne, elle appelle les flics, ils cherchent l’enfant partout, ils ne le retrouvent pas, il est mort. 10 ans après, elle va tous les ans sur cette plage à la date anniversaire de la mort de son petit garçon, de la disparition de son petit garçon, elle le revoit, elle le revoit à côté d’elle, il a 10 ans toujours et pas 20 ans comme il devrait avoir, et il a une autre maman. Et là, c’est le début de l’histoire.

Que diriez-vous de Cassandre ?

Cassandre, c’est ma meilleure copine. C’est devenu ma meilleure pote, nous nous sommes rencontrées il y a 10 ans.

Sur le premier épisode, nous étions quand même assez différentes car moi, je n’aurais jamais choisi de faire ce métier.

Je suis bien trop empathique et trop sensible pour vivre au quotidien des choses difficiles car les flics sont quand même, malgré tout, face à toutes les différentes misères du monde, et c’est compliqué. Je pense qu’ils ne sont pas assez formés pour tout cela.

C’est devenu ma meilleure copine car je lui ai donné beaucoup de moi. Je me suis beaucoup inspirée d’une partie de ma personnalité car le personnage au début était silhouetté, dessiné, mais il n’avait pas plein de traits de caractère et, les scénaristes et la prod et la chaîne m’ont laissé y mettre un petit peu ce que je voulais. On se ressemble beaucoup sur certains points, pas du tout sur d’autres.

Elle est d’une certaine façon moins sensible et moins fragile que moi, et en même temps elle est moins structurée que moi dans sa vie sentimentale et privée. Elle est un peu plus à côté de la blague, mais elle peut être un peu plus sérieuse que moi. On se ressemble pas mal. C’est un peu une sœur jumelle qui n’aurait pas pris la même destinée que moi.

Avez-vous une anecdote de tournage à raconter ?

Oh là là, il y en a plein. Une anecdote, alors il faut trouver une anecdote qui soit très particulière. Attendez, attendez parce que là, qu’est-ce que j’ai fait ? Une fois, j’étais sur une moto neige derrière Alexandre, c’était au début de Cassandre.

Nous avions fait un épisode dans la neige. Alexandre Varga voulait faire sa cascade, donc c’est lui qui conduisait, moi j’étais derrière, j’avais envie de crever car ça allait hyper vite, on est rentré dans une forêt avec des espèces de petits chemins minuscules où il fallait poursuivre un gars, et moi j’étais derrière, mais il y avait un autre scooter des neiges qui nous suivait pour me filmer, d’ailleurs on voit ma tronche. Ah ! Ah mais l’angoisse.

Ah je me souviens de ça. En fait les anecdotes elles sont liées à des trucs de cascade, quand je suis derrière lui sur une moto aussi. Pourtant après à l’écran, visuellement c’est pas, mais voilà, l’année dernière ils m’ont fait courir comme une malade et me casser la gueule dans la gadoue. Je suis tombée plein ventre, j’avais de la boue partout, il faisait un froid de gueux. En fait ce que les gens ne voient pas, ce qu’ils ne sentent pas, c’est le temps, c’est le froid ou le chaud. Et ça, ça peut être marrant à raconter, en fait on a très souvent très très froid, ou très très chaud, aussi bizarre que ça puisse paraître.

Franchement, c’est un métier fantastique quand on a la chance de le faire. C’est pas un métier fantastique pour les 90% des acteurs qui peuvent pas travailler, et qui travaillent pas et qui cherchent du taf. Mais quand on est dans la place, c’est quand même génial.

Mais alors là, je me souviens de trucs où carrément j’avais failli m’évanouir. On m’avait foutu sur un transat, et on me mettait des compresses d’eau glacée sur le front, derrière la nuque et sur les poignets car je n’avais plus d’énergie. C’était il y a plus de 3-4 ans, quand il y a eu un moment caniculaire et à la suite de ça, ils ont mis de la clim dans les studios.

Pouvez-vous nous parler des Dieux sont vaches ?

Les Dieux sont vaches, c’est un récit que j’ai écrit, 3 ans après le décès de ma mère, qui est morte très jeune à 58 ans, d’un cancer du col de l’utérus. C’est un livre que j’ai écrit en pensant qu’il ne serait pas publié car j’avais besoin de raconter, de crier mon chagrin, mon incompréhension. J’avais une forme de colère en moi, et puis finalement, mon père et une de mes amies m’ont dit pourquoi tu ne le proposes pas à des éditeurs. J’ai dit que je ne serai jamais éditée, j’étais dans un bonbon, comme beaucoup de femmes, et encore un petit peu maintenant, j’ai une grande illégitimité, et un syndrome d’imposture, et puis en fait, je l’ai envoyé à 5 éditeurs. Mon père m’avait dit, regarde dans ta bibliothèque, quels sont les éditeurs des livres que tu as lus, et tu les envoies à ces gens, tu en prends 5, et puis il y en a 2 qui m’ont répondu. J’ai donc eu la chance d’être édité par Jean-Claude Lattès, qui est un très très bon éditeur. Cela a été un voyage extraordinaire, ça conditionne beaucoup de choses ce livre car c’est la première fois que j’ai l’impression d’oser, j’ai pris sur moi en me disant, bon ben tant pis, tu seras peut-être ridicule, mais ose, et j’ai osé, et ça a marché. Le livre a été apprécié, j’ai eu de super bonnes critiques, j’en revenais pas, j’en reviens toujours pas aujourd’hui d’ailleurs, et ça a ouvert quelque chose en moi, tout à coup, il y a une part de moi qui s’est dit, ok, tu n’es pas Emile Zola, ni Balzac, ni Victor Hugo, mais, voilà, tu as écrit un livre, qui vaut ce qu’il vaut, mais qui est apprécié, et tu as été capable d’aller au bout du truc. C’était important pour moi car c’est l’histoire des trois derniers mois de la vie de ma mère, et parallèlement de la relation mère-fille, comme je la voyais à l’époque. J’écrirais probablement le livre différemment aujourd’hui, mais c’est un témoignage. Quand je reprends le livre et que je relis des passages, il y a des choses dont je ne me souviens pas, donc je me dis, heureusement que tu l’as écrit car cela me permet de me souvenir des moments que j’ai vécu avec elle. Vous savez, le temps fait qu’on garde certains souvenirs, et on en efface d’autres, alors quelquefois c’est bien, on efface certains, et quelquefois, c’est triste d’oublier certaines choses, donc c’était une façon de ne pas oublier, et puis de dire aussi, de prévenir les gens que chacun à son destin. Je ne me sens pas coupable du décès de ma mère, mais c’est des choix qu’elle a fait, même indirectement et inconsciemment, mais que voilà, c’est important quand même non seulement de se soigner, parce que la prévention ça sauve beaucoup plus de gens qu’on imagine, et puis j’avais besoin de témoigner de ce moment, de perdre ma maman si jeune, on avait 20 ans de différence, donc j’avais 38 ans quand elle est morte.

Avez-vous le projet d’en écrire un autre ?

Oui, j’ai le projet d’un autre, que j’ai commencé, pour vous dire la vérité, il y a 15 jours. Je prendrai le temps pour l’écrire mais pas 4 ans.

Vous avez mis en scène la pièce de Jean Anouilh, Voyageur sans Bagage et êtes venue notamment la présenter en Belgique. Qu’avez-vous pensé du public belge ?

Vous savez, je le dis souvent dans les interviews, j’adore les belges, non mais j’adore la Belgique. J’ai une de mes sœurs, ma demi-sœur, Chloé, qui est belge par sa mère, donc c’est quand même presque familial, j’ai eu des amoureux belges, que j’ai énormément aimés. Deux grandes histoires d’amour avec des belges, j’ai des amis belges, comédiens, c’est un pays que j’aime beaucoup. Je ne vais pas dire ce que tout le monde dit, mais vous avez une espèce de décalage, de recul, que nous n’avons pas. Vous avez un humour décapant, une espèce de légèreté, de bienveillance, quelque chose d’accueillant, que nous ne savons plus toujours avoir nous. Pour moi, les Belges, heureusement qu’ils existent, d’ailleurs on a beaucoup d’acteurs belges qui réussissent en France et qui sont formidables. Je vais tourner avec Natacha Regnier et je suis ultra fan de la Belgique. Il ne fait pas toujours très beau c’est clair mais c’est un pays génial. Ce sont des gens tellement sympas, en plus ça se voit tout de suite, c’est à dire qu’à chaque fois que je rencontre un ou une Belge, il y a quelque chose de sympa tout de suite, d’accueillant, de souriant, de je ne sais pas comment expliquer, une espèce de légèreté de ne pas se prendre au sérieux avec sérieux. Vous savez très bien que les publics du Nord sont toujours plus chaleureux que les publics du Sud.

Le cinéma vous attire-t-il encore ?

Mais vous savez, c’est toujours la même chose, on est toujours attiré par ce qu’on n’a pas, d’une certaine façon, on voudrait des cheveux bouclés quand on a les cheveux lisses, on voudrait des gros seins quand on a les petits seins, c’est un peu pareil pour le cinéma, évidemment qu’il y a une espèce de je ne dirais pas d’incompréhension, parce que je sais exactement comment ça se passe, en fait en France. On est encore dans un pays où c’est assez conservateur, c’est pas le cas chez les anglo-saxons du tout, mais c’est vrai qu’en France, vous êtes dans une case où vous faites du théâtre, où vous faites de la télé, où vous faites du cinéma, où vous faites de la radio, vous voyez ce que je veux dire ? Si une animatrice se met à être actrice, bon, il y en a quelques fois ça passe, quelques fois ça passe pas. Si une chanteuse devient aussi comédienne, oh là là, qu’est-ce qu’elle se met ? Alors ils le font car ce sont des histoires de pognon. Moi, je viens du théâtre, j’ai écrit un livre, j’ai fait une mise en scène, je joue la comédie, j’ai fait un peu de télé avec Teva, et puis en travaillant avec Ruquier, j’ai fait un peu de radio aussi. J’ai un peu touché à tout, mais c’était plus de la curiosité de ma part. Mais bon, je reste comédienne et, comment dire, identifiée par les gens du métier comme une comédienne de théâtre et de télévision, ce que je trouve complètement crétin. Pour moi, un artiste c’est un interprète, et s’il est bon, il est bon partout. Vous voyez ce que je veux dire ? Un bon acteur, c’est un bon acteur, c’est tout. Pierre Fresnay disait, il y a trois sortes d’acteurs, les bons, les mauvais et les grands et je suis d’accord.

Vous voyez, maintenant, on va vous affilier, si vous êtes un acteur de comédie, dans la tête des gens, vous restez un acteur de comédie, mais je pense que c’est lié aussi aux décideurs. Donc, moi, je suis identifiée télé et théâtre.

Je ne suis pas identifiée cinéma, ce qui est totalement crétin. Je vais vous dire pourquoi je trouve cela crétin car je pense sincèrement que le public s’en tape le coquillage. Le public, il va aller voir un film, qu’il soit à la télé, ou qu’il décide de payer sa place pour aller au cinéma, il ira le voir pour plein de raisons, pour l’histoire, pour le réalisateur, pour les acteurs, pour les critiques qu’il a lues. S’il trouve le film formidable, il se fout complètement de qui le joue. Il dira, mais c’était formidable.
C’est une forme de stabilisme et d’entre-soi, et bien sûr que c’est déstabilisant. Maintenant, je ne vais pas vous dire que je n’ai pas d’aigreur, j’en ai eu.

Quand j’étais plus jeune, je me disais, mais pourquoi ? Maintenant, c’est comme ça. Moi, je sais qui je suis, j’adore mon métier, je suis archi-investie, que ce soit dans un petit court-métrage ou dans un grand film, de la même façon. Je ne pense pas que le cinéma soit mieux que la télé.

Aujourd’hui, la télé, les plateformes, font des choses extraordinaires, et quelquefois, au même niveau scénaristiquement que du grand cinéma. Et quelquefois, il y a des films de cinéma qui sont nuls à chier, comme il y a des séries ou des unitaires qui sont nuls à chier. Vous voyez ce que je veux dire ? La qualité, elle est partout.

Elle est dans tous les domaines, et la médiocrité aussi. Donc, c’est la même chose pour les acteurs, mais ça viendra, ça bouge tout doucement, ça avance. Bon, les acteurs de cinéma, ils viennent beaucoup plus facilement à la télé que les acteurs de télé qui vont au cinéma. Je ne sais pas si vous avez remarqué. Voilà, ça, c’est normal. Mais ce n’est pas pour ça que ça marche bien non plus.

Pour conclure cet entretien, avez-vous des projets sur le feu ?

Lundi, je pars tourner deux épisodes de Cassandre, j’en tournerai un autre fin juin et un quatrième en septembre. Je vais aussi répéter une pièce de théâtre qui s’appelle la Jalousie avec Michel Fau que je jouerai à partir du 15 octobre jusqu’au 15 janvier au théâtre de la Michodière.

Propos recueillis par Stéphanie